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Association Pisciculture et Développement Rural  en Afrique tropicale humide  (Organisation Non Gouvermentale)  
   

 
 
   
 
 
 
 
 
 
 
 
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Les techniques d’aménagements piscicoles :
une alternative de mise en valeur des Bas-fonds

COULIBALY Dramane, BAMBA Vakaramoko1, OSWALD Marc2

Résumé 

Le riz n’est pas systématiquement la seule activité de mise en valeur des bas-fonds. La pisciculture, quoique techniquement plus complexe dans sa mise œuvre, suscite tout aussi un intérêt certain chez nombre d’exploitants ; une condition de sa réussite est de proposer aux futurs pisciculteurs une gamme de choix techniques adaptés à la situation du candidat tant sur un plan physique que socio-économique.

L’aménagement proposé aux pisciculteurs est évolutif et découle d’une analyse topographique fine couplée à une vision globale du bas-fond. La finalité de l’aménagement, qui est de permettre l’élevage de poisson dans les meilleures conditions possibles, dépend des conditions suivantes : maîtrise de l’eau, profondeur suffisante et possibilité de vidanger à tout moment de l’année.

Un aménagement piscicole, bien réalisé, peut avoir des fonctions multiples qui ne se limitent pas seulement à la production de poisson. Non seulement il contribue à l’augmentation de la réserve hydrique du bas-fond (lorsque la digue est convenablement positionnée), mais, en plus, il induit des interactions positives vers la riziculture et le maraîchage.

Aménager un bas-fond demande cependant, un important savoir-faire. La diffusion de ce savoir-faire constitue un enjeu prioritaire, celui de rendre autonome le monde paysan dans le développement de cette activité. Une démarche participative axée sur la formation des paysans à travers des " groupes de formation " est le garant de l’émergence d’une véritable profession piscicole fédératrice du tissu social au sein de ces groupes.


Historique :

Il est remarquable de constater, dans tous les villages et campements de la zone forestière cacaoyère du Centre-Ouest et du Sud-Ouest, que des paysans ont tenté de réaliser des aménagements piscicoles. Ces investissements peuvent être caractérisés comme étant des trous, généralement de petites dimensions, non vidangeables et très souvent sensibles aux aléas climatiques : inondation ou assèchement lors d’une saison sévère. Ces étangs sont généralement installés dans le lit de nappes souterraines affleurant la surface, situation qui témoigne d’une certaine qualité d’observation du fonctionnement hydrologique des bas-fonds de la part de ces paysans.

Le tilapia (Oreochromis niloticus) est pour le moment l’espèce de base de toute pisciculture continentale en Afrique. La mise au point de son élevage est récente et s’est faite en deux principales étapes :

  1. nécessité du sexage manuel et d’association de prédateurs (Hemichromis fasciatus) validée par le CTFT au cours des années 70 (Lazard, 1984),
  2. adaptation de la densité à la capacité productive du milieu, proposée, au milieu des années 90, par le PPCO (Oswald et al, 1997 & Oswald et Glasser, à paraître).

Cette deuxième étape a aboutit à la définition de nouveaux modèles d’aménagement pour le milieu rural : les étangs de barrage. Ce sont des aménagements disposant de surfaces relativement grandes (>30 ares pour les bassins de production). Le modèle des petits étangs périurbains, qui paraissait prometteur (Koffi, 1989 & 0swald et al, 1993) devait cependant être amélioré pour répondre aux impératifs des milieux trophiques pauvres (Morissens et al, 1997).

    

  Les modèles techniques d’aménagements 

les normes

Elles tirent leur originalité de certaines évidences : garder l’eau, qu’elle ne déborde pas et qu’elle se vide. La profondeur doit être suffisante et il est nécessaire de prévoir plusieurs bassins et de concevoir des espaces fermés où les poissons et l’eau sont maîtrisés (pour permettre l’élevage et la fertilisation).

Ces normes, déjà utilisées pour l’aménagement d’étangs périurbains (Oswald, 1996) ont servi de base à a mise au point d’une nouvelle démarche visant à augmenter la surface aménagée par rapport à la longueur de digues à construire.

Démarche de prospection

Face aux nouvelles exigences pour le monde rural, cette partie présente la démarche actualisée.

Avant de démarrer l’étude du site proprement dite, une observation à l’échelle de l’ensemble de la vallée est nécessaire.

Elle porte sur :

  • le fonctionnement hydrologique : toutes les sources d’approvisionnement en eau sont étudiées par une observation du terrain couplée à des entretiens avec les candidats pisciculteurs. Toutes les nappes, les zones hydromorphes et le réseau hydrographique superficiel temporaire ou pérenne sont recensées ; leur dynamique au fil de l’année est appréciée. A l’opposé, une attention particulière est portée aux inondations et aux ravines occasionnées à la suite de fortes pluies.
  • la morphologie du terrain est prise en compte en particulier par le repérage des différentes vallées et de leur bassin versant, de la forme des bas-fonds, de la présence de seuil, etc.
  • Les potentialités des sites les plus intéressants sont précisées par une analyse topographique détaillée. Elle consiste d’abord en une mesure du dénivelé total entre l’alimentation choisie et la vidange retenue. Ceci indique le nombre de plans d’étangs envisageables entre les courbes de niveau définis par les deux points. Etant donné les grandeurs des distances à mesurer et le caractère accidenté des terrains, il est indispensable d’avoir recours à une lunette topographique. Ensuite, les différentes positions possibles des digues sont analysées, afin de déterminer les superficies à aménager et l’importance des constructions à réaliser.

A cette étape, une ou plusieurs localisations possibles des étangs sont étudiées. Les avantages et inconvénients de chacune d’elles sont discutées avec le paysan : facilité de remplissage, surface envisageable et type d’étang (fermé ou ouvert)3 et, par conséquent, la production de poissons. Une première sélection est effectuée qui cherche à minimiser le travail par rapport à la surface à aménager. Ce premier choix ne signifie pas le rejet des autres sites, car il y a la possibilité de combiner différentes alimentations hydriques entre les différents sites, au fur et à mesure que le pisciculteur étend son aménagement.

Un premier plan d’aménagement est ensuite proposé, qui précise les surfaces à inonder et les profondeurs correspondantes. L’aménagement est évolutif : les hypothèses formulées sur le remplissage, le détournement des crues et sur les disponibilités en facteur travail de l’exploitation sont évaluées au fur et à mesure de la réalisation de la construction. Les critères observés sont principalement la remontée des nappes, l’étanchéité de la digue aval, le comportement des trop-pleins et des moines durant les crues, la faisabilité du travail proposé et les interactions qui se développent avec les aménagements environnants (casiers, maraîchage).

Un piquetage matérialise le plan. Il donne la dimension des ouvrages à construire en indiquant les volumes des digues. Toutes les arêtes sont matérialisées. Les canaux le sont par leur pente et leur section. Il en est de même pour le niveau du moine, de la sortie de la buse de vidange, du niveau du trop-plein et de sa section.

La plupart des premiers ouvrages réalisés peuvent se définir comme des retenues colinéaires situées en tête de bas-fond, dont l’eau est gardée grâce à une digue-aval. Dans les coins de la retenue, de petits étangs de service peuvent être aménagés sans grands efforts supplémentaires apportant une souplesse indispensable au fonctionnement régulier des cycles piscicoles. La digue-aval, conçue souvent dans un premier temps comme la droite la plus courte traversant le bas-fond, peut par la suite revêtir la courbe de niveau de la vidange et permettre à l’eau de s’étaler à flan de coteaux. Dans les cas de nappes latérales ou de sites exigeant un canal de dérivation (à cause de contraintes foncières), la digue aval est conçue pour ceinturer l’émergence de l’eau.

Contrairement à certaines idées couramment répandues (Bard et al, 1970, Coche INADES), de nombreux aménagements peuvent être installés avec succès sur des sites ne disposant pas d’un écoulement d’eau permanent ou sur des terrains sableux, à condition que l’aménagement réussisse à créer une nappe sous-jacente qui limite les infiltrations.

La modification du fonctionnement hydrologique du bas-fond liée à l’aménagement est suivi de près. C’est en effet celle-ci qui permet de se prononcer de façon bien plus précise sur les potentialités du site par rapport à la ressource hydrique. Le plan d’aménagement visera à maximiser cette ressource en eau afin d’obtenir les plus grandes surfaces exploitées, tout en tenant compte du travail à fournir. Les sites les plus faciles à aménager seront d’abord retenus.

La démarche soutient donc un aménagement progressif et évolutif. Elle améliore l’adéquation entre les capacités d’investissement du pisciculteur et les potentialités de son site, optimum le ratio surface aménagée sur travail à fournir..

 

Nécessités et exigences d’une intervention responsabilisante

Acteurs et savoir-faire en présence

Les candidats à la pisciculture n’ont, traditionnellement, que peu ou pas de notions de niveaux et de débits.

La forte demande sociale pour la pisciculture fait que des savoir-faire, même limités, suffisent à créer spontanément des services opportunistes se qualifiant de " professionnels " dans les zones " vierges ". Dans ces zones, les tâcherons, à la recherche de contrats, se positionnent rapidement comme les principaux initiateurs des foyers. Ceci pose problème car, en tant que prestataire indépendant, le tâcheron se soucie peu de garantir la qualité de l’aménagement et encore moins d’avoir une vision planificatrice de l’aménagement du bas-fonds. Il fait même de l’escroquerie sur les prix des prestations pour des aménagements souvent volontairement médiocres (Coulibaly et Oswald, cet atelier).

Dans un tel contexte, le développement de la pisciculture est fortement conditionné par la mise en place de services compétents, animés par une profession crédible et auxquels les pisciculteurs peuvent faire référence dans tous les secteurs : aménagement, coffrage de moine, contrôle de qualité, etc…

Les objectifs d’intervention

Ils visent à faire émerger, le plus rapidement possible, des connaissances suffisantes pour garantir un développement durable.

Trois niveaux se distinguent :

  • 1. Au niveau de l’individu : création d’un savoir-faire personnel capable de garantir la qualité des réalisations et d’affiner la démarche, pour rendre les aménagements piscicoles accessibles au plus grand nombre ; cet objectif permet de donner les moyens aux paysans pour comprendre les choix effectués lors de la conception de ces étangs, et ceci, au fil des cycles de production ;
  • 2. Au niveau locale : la création d’un savoir-faire local dote les groupes de pisciculteurs de connaissances qui leur servent de repères lors d’échanges entre producteurs à propos des techniques, de l’évaluation des relais professionnels et de la comparaison de leurs performances individuelles.
  • 3. Au niveau régional : à cette échelle, les savoir-faire créés ont divers rôles :

- multiplier les occasions de réflexion et d’innovations sur les techniques sur des zones contrastées,

- créer une masse critique de relais professionnels sur un marché de prestation suffisamment vaste pour inciter à la spécialisation sur des thèmes pointus.

Dans ces conditions, le relais professionnels devient un vecteur de la dynamique d’innovation piscicole.

La démarche d’appui aux foyers piscicoles.

C’est une démarche participative qui est mise en œuvre auprès des foyers piscicoles. Elle permet de " démystifier " les connaissances servant pour la réalisation d’un aménagement, d’éviter l’accaparement des savoirs par certaines catégories de personnes et de transmettre les savoir-faire utiles à la plus grande masse de pisciculteurs. Ceci se fait par le biais de " groupes de formation " constitués par les paysans.

Le groupe de formation s’organise autour de l’aménagiste pour les questions d’aménagement. L’aménagiste est formé pour apporter un appui-conseil et des prestations à son groupe de formation qui est aussi son groupe social d’origine. A l’aide d’une lunette topographique empruntée à des partenaires, l’aménagiste étudie le site du candidat pisciculteur. Il reçoit en retour une rémunération moyenne, équivalant à 3 journées de manœuvre, supportées par les pisciculteurs. Les pisciculteurs-aménagistes donnent d’excellents résultats techniques. Ils s’investissent aujourd’hui dans l’accueil des nouveaux candidats et dans la sensibilisation de la profession au respect des normes d’aménagements.

Au total, la démarche responsabilise les producteurs sur la qualité des aménagements et accroît leur capacité de proposition et d’entreprendre. Les groupes de formation jouent le rôle d’écoles de formation et remplissent, à terme, des fonctions d’ateliers d’échanges. A leur tour, les ateliers développent, chez les pisciculteurs, des capacités d’arbitrage et de négociation avec les partenaires et prestataires de la profession que sont les tâcherons, les monteurs de filets, les services d’encadrement, les fabricants de moules, etc....

Les mécanismes internes de régulation ainsi décrits s’avèrent être des facteurs décisifs d’une autonomie de développement de la pisciculture. Ils contribuent à la structuration des différents services de l’inter-profession (relations d’échanges à des niveaux d’excellente compétitivité) et, partant, d’une exploitation rationnelle et d’une mise en valeur durable des bas-fonds.

   

Les différentes fonctions de l’aménagement

Une production de poisson

Dans les milieux extensifs, il n’existe pas actuellement de chiffres très précis sur la production, essentiellement à cause de la surface qui varie très sensiblement4 au fil des saisons. De plus, lors du démarrage de l’activité, des délais d’empoissonnement très variables et l’éloignement des sites des pisciculteurs compliquent la collecte de données.

Les quelques données disponibles montrent cependant que si l’empoissonnement est réussi5, la croissance des tilapias est rapide (GMQ>1.5 g/j sur l’ensemble du cycle). Si le pisciculteur a disposé en temps voulu d’alevins d’Heterotis, la biomasse produite de ce poisson est souvent voisine de lamoitié de celle du tilapia, avec un GMQ supérieur à 10 g/j (Oswald et Al, 1997). Les silures (Heterobranchus isopterus) ne jouent qu’un rôle secondaire (Lazard et Oswald, 1995). Ces cycles ne peuvent être mis en œuvre que lorsque les milieux sont fermés, sinon il y a une interaction forte avec les populations naturelles de la rivières qui crée un aléa important sur le rendement.

Dans les barrages fermés, les biomasses récoltées sont assez constants. La production de poisson est estimée à près de 1 t/ha/an avec 40 à 60 % d’Oreochromis niloticus et 30 à 40 % d’Heterotis niloticus. Trois espèces de poisson marchand sont produits :

Le Tilapia : il est généralement proposé au marché lorsque le poids moyen atteint 350 g. Parfois pour des problèmes de trésorerie certains pisciculteurs vendent leur poisson à un poids moyen de 250 g. Certaines vidanges de barrages ont montré un potentiel de croissance du Tilapia allant de 500 g à 1 kg de poids moyen. Le marché n’engage pas à un tel effort, dans l’état actuel de la demande.

En milieu fertilisé, le rendement en tilapia varie de 2 t à 11 t/ha/an contre 0,4 t à 2 t/ha/an en milieu pauvre. Un pisciculteur de Sinfra obtient actuellement une production de 2 tonnes sur une année chaque année dans son barrage de 0,5 ha.

L’Heterotis niloticus : il est vendu généralement à un poids entre 2 et 2,5 kg en 6 mois. Il peut atteindre des poids allant jusqu’à 5 voire 10 kg. Son prix sur les zones rurales est tout à fait comparable à celui du tilapia.

La carpe chinoise (Ctenepharyngodon idella) peut atteindre un poids de 10 kg en 3 ans. Des rendements de 1 t/ha/an ont déjà été atteints. Ce poisson fait cependant encore l’objet d’une expérimentation pour voir la faisabilité pour les pisciculteurs de le reproduire.

Une production de riz inondé

A partir de 1994, il a été constaté dans la région de Gagnoa que des pisciculteurs repiquaient ou semait du riz inondable dans leur barrage, après les vidanges. Cette introduction spontanée de riz inondé en association avec la pisciculture a, alors, fait l’objet d’une expérimentation de rizipisciculture. Ce premier essai dont le nombre de réplicat était insuffisant , montrait que la culture de riz n’avait pas d’impact négatif sur la production de poissons.

L’itinéraire technique du riz inondé, retenu par les planteurs, était le suivant :

  • pépinière de riz et repiquage ou semis directement sur l’assiette
  • fermeture progressive du casier pour remonter les eaux au fur et à mesure de la croissance des plants
  • récolte puis inondation des pailles de riz restantes après le battage et dans le champ.

Plusieurs variétés de riz sont retenues, celles avec un cycle plus long, souvent plus hautes sont plantées dans les parties les plus profondes, autour du moine ; celles plus précoces, à paille plus courtes sont plantées dans les parties les moins profondes. Pour les petites retenues, les pisciculteurs ne pratiquent le riz inondé que si celui-ci coïncident avec la mise en culture d’une parcelle deriz plus grande ; les tâches de surveillance accapareraient trop de travail autrement.

La remontée progressive des eaux est possible grâce aux planches du moine. Elle limite la pousse des mauvaises herbes allégeant ainsi le travail de désherbage au paysan. Après la récolte on fait remonter le niveau des eaux pour inonder les pieds de riz restant. Ces derniers vont constituer directement une source d’alimentation pour les poissons (herbivores). Les pailles de riz servent de substrats aux périphytons ou de fertilisant après décomposition. A l’inverse, la décomposition des végétaux pendant le cycle de production des poissons va servir de fertilisant au riz après la vidange.

Cependant, bien que ces interactions soient intéressantes, la rizipisciculture introduit des contraintes dans la conduite de l’itinéraire technique du riz, ce qui peut expliquer la faible adhésion des pisciculteurs (PPCO, 1997) ; 40 % seulement la pratiquaient.

Une ressource en eau fertilisée

L’un des atouts des aménagements piscicoles est qu’une quantité d’eau importante est stockée dans le sous-sol, en amont des bas-fonds. Cet stock est d’autant plus important que les digues-aval pourront contenir l’ensemble des écoulements des nappes. Ainsi, dans certains cas, la quantité d’eau nécessaire à l’alimentation des barrages diminue avec la surface du site. Les aménagements piscicoles, en stockant une partie des eaux des nappes lorsqu’elles sont hautes, permettent de réguler leur débit, et parfois, d’augmenter le débit minimum.

La constitution d’une ressource en eau avec ces techniques d’aménagement a été illustrée de façon exemplaire lors de la réalisation d’une pisciculture industrielle aux alentours d’Adzopé. Sur un bas-fond, pouvant s’assécher totalement,l’aménagement à permis l’installation de plus de 30 hectares d’étangs.

Dans certains endroits, une hydromorphie permanente est apparue à l’aval des étangs et a permis la création de petits casiers rizicoles. Lors de la vidange, l’eau peut être récupérée pour fertiliser les casiers de riz. Les riziculteurs qui en ont l’occasion en profitent.

La végétation de savane, formation végétale fréquente des bas-fonds, s’est parfois transformée à la suite de ces aménagements en une formation de forêt, surtout pour les espaces situés immédiatement au dessus de l’aménagement.

Résultats quantitatifs

La progression du nombre des pisciculteurs en milieu rural et dans le Centre-Ouest et le Sud-Ouest a été comme suit : 36 en 1996, 92 en 1997 et 227 en 1998. On estime, à ce jour, qu’ils ont crée au total 210 barrages de superficie variant de 30 à 40 ares, soient environ 73 ha de surface totale en eau.

Autres effets

Sur le plan social, l’accès à l’eau est variable selon les exploitations. La constitution de réserves d’eau entraîne très souvent le développement d’un maraîchage durant la saison sèche. Cette activité n’est pas forcément le fait de l’exploitant mais peut être celui d’un voisin ou d’un cadet qui, en échange, assure la surveillance des poissons. L’eau est souvent utilisée avec profit pour réaliser les pépinières de café-cacao minimisant les temps de déplacement pour les arrosages quotidiens.

La gestion de l’eau de pisciculture est bien plus exigeante, si bien que les pisciculteurs entretiennent les canaux qui servent à la fois aux étangs et aux casiers de riz. Il est fréquent de voir des extensions de rizière aux voisinages des piscicultures pour tirer profit de ces nouveaux aménagements

L’entente qui règne, en général, entre pisciculteurs et riziculteurs montre que ces deux activités ne sont pas en compétition. Sur les bas-fonds propices à la pisciculture, les aménagements piscicoles représentent un nouvel outil de gestion de hydraulique, plus performant, qui peut intégrer les besoins du riz et du poisson, en augmentant les ressources globales du bas-fonds.

On peut noter enfin que du fait de leur positionnement au sein des plantations, les barrages constituent des pare-feux contre les incendies de brousse.

Estimation des coûts de réalisation d’un barrage

La réalisation d’un aménagement fait à la fois recours à un important investissement en travail et en capital. Une partie du travail peut être de type salarié. Les seules dépenses incompressibles sont représentées par l’achat de ciments (4 paquets en moyenne à 2650 F.cfa/sac) et par l'accès au coffrage pour réaliser les moines. Le coffrage a un coût chez le menuisier de l’ordre de 300.000 F.cfa, auquel il faut éventuellement ajouter les coûts des serre-joints (moins de 10.000 F.cfa).

Un coffrage peut être servir pour la réalisation de 25 moines, soit un coût unitaire de l’ordre de 5.000 F.cfa/moine, si l’on intégre les dépenses de transport. L’effort de terrassement est fonction de la nature du terrain, de la forme du site et de la quantité de terre à déplacer. Une digue de 2 mètres de haut (à partir de la vidange), d’une largeur de 3 mètres, barrant un bas-fond de 60 mètres avec des pentes régulières, correspond à un volume de 300 m3 de terre et représente une quantité de travail de l’ordre de 60 à 90 H/J. Seules les périodes creuses des calendriers agricoles rendent possibles de tels investissements en milieu rural.

En fonction de la pénibilité du travail, le coût d’un tâcheron varie de 150.000 F.cfa pour un étang à 300.000 F.cfa pour un barrage.

On peut résumer les coûts d’un aménagement de la façon suivante :

  • Cas d’une dépense minimale : il s’agit des moines, d’une participation à l’étude topographique et d’une participation d’une façon ou d’une autre au groupe pour avoir accès au coffrage de moules et savoir-faire Elle peut atteindre 30.000 F.cfa.
  • Cas d’une dépense maximale : le planteur fait appel à des tâcherons. Les coûts varient de 150.000 F.cfa pour les moins chers à 450.000 voire 500.000 F.cfa pour les plus chers. A ceci il faut ajouter 100.000 F.cfa pour des travaux auxiliaires comme le canal de contournement.
  • Cas d’une dépense intermédiaire : le paysan a accès à une société de travail. Si ces groupes ne sont pas toujours disponibles, le paysan fait appel à des journaliers pour achever le travail. La dépense est alors de l’ordre de 100.000 F.cfa, mais les implications sur l’exploitation, en termes de gestion du travail et de la trésorerie, sont grandes.

L’amortissement moyen d’un barrage équipé d’un étang de service, sur 20 ans, est de estimé à 15.000 F/an.

        

Conclusion  

Un aménagement piscicole aura d’autant plus de chance d’être performant qu’il aura été conçu en concertation avec le producteur en tenant compte de son environnement, en particulier au niveau des besoins en eau, des activités menées autour ou en association avec la pisciculture et de sa complémentarité avec les autres aménagements hydrauliques.

Les investissements piscicoles qui respectent ces orientations permettent une rationalisation de l’utilisation de l’eau et une mise en valeur durable des bas-fonds. La pisciculture est alors un moyen, pour le paysans, d’investir son travail dans une réalisation durable qui augmente les ressources globales du milieu.

Le développement de la pisciculture requière la mise en place de services locaux de professionnels, accessibles aux exploitants des bas-fonds. Un tel environnement génère des compétences autonomes, à même d’innover sur de potentielles autres formes de valorisation des ressources des bas-fonds.

        


Bibliographie

BARD. J., de KIMPE. P., LEMASSON J. et LESSENT P., 1974. "Manuel de pisciculture tropicale", CTFT, Nogent sur Marne, 209 p.

COULIBALY (M.) et OSWALD (M.), cet atelier : " Place de la pisciculture dans un système agraire forestier de Côte d’Ivoire,( zones cacaoyères du Centre-Ouest et du Sud-Ouest) "

FAO, 1985. Simple methods for aquaculture :Soil and freshwater fish culture. FAO training Series 6. FAO, Rome, 174 p.

INADES-Formation, 1978. L'élevage du poissons. Cours d'apprentissage agricole 2ème année. 52p.

KOFFI (C.), 1989. Conclusions et recommandations de l'étude "aspects économiques de la production en étang". Extrait d'une thèse de doctorat. Centre ivoirien de recherches économiques et social, Abidjan.

LAZARD (J.) 1984. L'élevage du tilapia en Afrique. Données techniques sur la pisciculture en étang. Bois et forêts des tropiques,206: 33-50.

LAZARD (J) et OSWALD (M) 1995. Association silure africain - tilapia: polyculture ou contrôle de la reproduction. Atelier international sur les bases biologiques de l'aquaculture des siluriformes. Montpellier France 24-27 mai 1994. CEMAGREF.

MORISSENS (P), OSWALD (M), SANCHEZ (F) et HEM (S) 1993. Approche de nouveaux modèles d'exploitation piscicole adaptés au contexte rural ivoirien. In RSV. Pullin, J. Lazard, M. Legendre, J.B. Amon Kothias et D Pauly (éds) Le troisième symposium international sur le tilapia en aquaculture tenu le 11-16 Novembre 1991 à Abidjan, Côte d'Ivoire. ICLARM . Conf Proc 41 ...

OSWALD (M) 1996. " Les aménagements piscicoles développés au Centre-Ouest de la Côte d'Ivoire. " P 383-394 dans " Les Bas-Fonds en Afrique tropicale humide " LAVIGNE DELVILLE Ph. et BOUCHER L.. 416 p GRET/Ministere de la coopération/CTA (ISBN 2 - 864844 - 083 - 5).

OSWALD (M), COPIN (Y) et MONTFERRER (D) 1993. Présentation de la pisciculture périurbaine dans le Centre-Ouest de la Côte d'Ivoire. In RSV. Pullin, J. Lazard, M. Legendre, J.B. Amon Kothias et D Pauly (éds) Le troisième symposium international sur le tilapia en aquaculture tenu le 11-16 Novembre 1991 à Abidjan, Côte d'Ivoire. ICLARM . Conf Proc 41

OSWALD M, GLASSER F., SANCHEZ F. et BAMBA V, (1997). Reconsidering rural fish farming developpment in Africa. In K. Fitzsimons (eds) Fourth International Symposium on Tilapia in Aquaculture, Nov 1997, Orlando, USA, tome II, p 499-511.

OSWALD (M.) et GLASSER (F.), à paraître : " Correlation between fish density and yield: a predictive model " in Journal of Fish Biology.

       



. APDRA-CI : Association Pisciculture et Développement Rural en Afrique tropicale humide – Côte             d’Ivoire.BP 1104 Daloa. tél : 78-01-38 & AFVP BP 2532, Abidjan O1. tél : 22-85-09 . 

. APDRA-F : Association Pisciculture et Développement Rural en Afrique tropicale humide – France,  3 square Guimard, 78960 Voisins le Bretonneux. http/members.aol.com/apdraf/index.htm. tél (33) 01 30 60 91 20.   

3 . Sur certains sites où les débits d’écoulement sont importants, il n’est pas toujours possible de réaliser  des étangs fermés. Il est cependant possible de réaliser des étangs ouverts, c’est à dire où la maîtrise de la population de poissons et du renouvellement de l’eau sera partielle.

4 . Une grande part de la surface des barrages est très peu profonde, seule la partie à la périphérie  du moine et  celle à l’aplomb des digues est creusée. Un enherbement important des berges complique  davantage l’estimation de la surface.

5 . Notamment, utilisation correcte de carnassiers et maîtrise des effectifs de Tilapia.