Le Bulletin   
 APDRA
Numéro  6        MAI   2000

Journal interne de l'APDRA-F et de l'APDRA-CI  
 

 

 
 
   
  Interview avec monsieur Doue Vincent à Gueyo.

Monsieur Kpatié Doué Vincent est pisciculteur à Guéyo. Il est également pisciculteur sympathisant de l’APDRA-CI et le Président de l’Association des pisciculteurs de Guéyo. Il s’exprime ici au nom des pisciculteurs du foyer de Tagbayo sur l’absence prolongée e leur aménagiste, des préjudices que cela leur causent et de leur intention de former un nouvel aménagiste. Un cas qui peut interpeller tout le monde. Ecoutons-le pour comprendre pourquoi.

APDRA : Pourquoi voulez-vous proposer un autre candidat aménagiste à une prochaine formation des aménagistes ?

Doué Vincent : Nous souhaitons former un deuxième aménagiste ici parce que l’absence de Djénéba de la zone nous pénalise énormément. Actuellement il y a de nouvelles demandes de piquetage qui ne peuvent être réalisés. Les pisciculteurs ne savent que faire.

APDRA : Pourquoi vous n’allez pas chercher Jean-Claude (le deuxième aménagiste de la zone) à Kossoyo pour venir faire vos piquetages ? Pourquoi vouloir forcement former un nouvel aménagiste ?

Doué Vincent : Jean-Claude a été formé après Djénéba, et donc Djénéba était déjà sur le terrain avant même que Jean-Claude ne soit désigné pour aller à la formation à Daloa. Cela signifie que les besoins étaient tel que un seul aménagiste ne suffisait plus pour couvrir toute la zone de Guéyo. On a formé Jean-Claude pour compléter Djénéba et non pour la remplacer. Et donc avec la défection d’un des aménagistes, en l’occurrence Djénéba, on retombe dans la situation qu’on a voulu éviter en formant 2 aménagistes. Voilà pourquoi nous voulons actuellement former un autre aménagiste.

APDRA : Et si le deuxième aménagiste que voulez proposer à la prochaine formation est de Guéyo-ville ou de Kossoyo, est-ce que cela vous arrangerait ?

Doué Vincent : Ce nouvel aménagiste sera forcement de Tagbayo. Nous trouverons ici des personnes qui vont répondre aux critères de sélection.

APDRA : Pourquoi voulez-vous qu’il soit à tout prix de Tagbayo et non d’ailleurs ?

Doué Vincent : D’abord parce que, le nouvel aménagiste vient en remplacement de Djénéba qui était à Tagbayo. Ensuite, parce que la grande partie des demandes de piquetage sont enregistrées à Tagbayo et ses environs ; et les pisciculteurs n’ont pas les moyens d’aller chercher un aménagiste à Kossoyo à une vingtaine de km d’ici. La prise en charge dans un tel cas serait très coûteuse pour le pisciculteur ou le candidat pisciculteur. D’ailleurs, nous avons déjà vécu cette situation quand au début, on faisait déplacer l’aménagiste Yaya Forgo de sa zone de Gnatroa jusqu’à chez nous. On connaît le prix à payer dans un tel cas et on ne veut plus retomber dans ce système.

APDRA : Est-ce à dire que pour vous, Djénéba est définitivement perdue pour la pisciculture, puisque vous voulez à tout prix la remplacer ?

Doué Vincent : Répondez vous-même à la question !

APDRA : …

Doué Vincent : Cela fait déjà combien de fois que tu viens travailler avec nous ici sans qu’elle ne soit encore de retour ? … Aux derniers échos que nous avons reçus, elle serait aide-infirmière à Sinfra. Si cela est vrai, ça veut dire qu’elle est en train de trouver sa reconversion.

APDRA : Et si elle revenait à Tagbayo alors que vous avez déjà proposé un nouveau candidat aménagiste en remplacement, qu’est-ce qu’il se passera ?

Doué Vincent : Ah bon ? Parce que vous voulez qu’on attende de savoir d’abord qu’elle reviendra ou pas avant de former un autre aménagiste ? Et si on attend qu’elle ne revient pas ?… De toutes les façons si elle revient, ça nous fera tout simplement 3 aménagistes dans notre zone et aucun d’eux ne manquera de sollicitations. Trois aménagistes dans notre zone ne nous déplairaient pas non plus.

APDRA : Avez-vous mené des démarches pour chercher à savoir exactement ou se trouve Djénéba depuis son départ de Tagbayo ?

Doué Vincent : Nous avions appris au début de son absence qu’elle était à Daloa au service de l’APDRA-CI pour des travaux dans certaines zones comme Issia. Et c’est de là qu’elle n’est plus retournée ici à Tagbayo. Donc, depuis octobre 99, ça fait maintenant 6 mois, nous n’avons aucune nouvelle d’elle. Elle n’a jamais écrit à qui que ce soit pour dire où elle est et qu’est-ce qu’elle y fait. Il y a même des pisciculteurs sympathisants qui ont eu à lui confier à l’époque leurs cotisations et des cartes de membre qu’elle devait faire signer à Daloa. Ces pisciculteurs-là ne sont pas encore rentrer en possession de leurs cartes parce qu’ils n’ont plus revu Djénéba depuis.

APDRA : Mais est-ce que vous avez cherché à la joindre pour comprendre les intentions de son absence prolongée ?

Doué Vincent : On ne peut rentrer en contact qu’avec quelqu’un qui vous a laissé ses coordonnées. Nous n’avons aucune adresse de Djénéba là où elle se trouve. Or, elle a toutes nos coordonnées d’ici, mais elle n’a jamais contacté qui que ce soit ou envoyé de message à personne ne serait-ce que pour dire qu’elle se porte bien là où elle est. Alors ? !…

APDRA : Nous sommes maintenant au terme de notre entretien ; Avez-vous un appel à lancer à l’endroit de Djénéba ?

Doué Vincent : Je ne sais même pas avec exactitude où elle est ; je ne peux pas lui lancer un appel sans savoir si elle l’entendra ou pas. Par contre, J’insiste sur le fait que nous n’avons pas d’aménagiste depuis plus de 6 mois, et que nous en avons vivement besoin.

Propos recueillis par Mama Coulibaly.


Gueyo : rencontre avec Dotana et Ardjouma Coulibaly :

Après une longue souffrance pour obtenir des prédateurs (hémichromis), les pisciculteurs de Guéyo s’engagent désormais à produire des poissons de grande taille. Ainsi un pisciculteur du foyer de Tagbayo a effectué sa toute première vidange en février dernier dans son barrage ouvert dont la surface est estimée à 24 ares. Il dit avoir fait son empoissonnement avec 372 TN sexés et seulement 2 hétérotis (par manque d’alevins d’hétéro à l’époque). A la vidange, il a retrouvé ses 2 hétéro, mais n’a retrouvé que 222 TN sur les 372 de départ. En plus, il a trouvé dans son barrage des poissons qu’il n’a pas mis à l’empoissonnement, à savoir 3 silures, 1 parrachana (poutou), et 4 zillis. Nous avons recueilli ses sentiments sur ses premiers résultats. Ecoutons-le.

 

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APDRA : Bonjour, Monsieur Coulibaly. Présentez-vous.

Coulibaly Dotana et fils : Bonjour Monsieur Mama. Je m’appelle Coulibaly Ardjouma et mon père ici présent s’appelle Coulibaly Dotana. Nous sommes planteurs à Guéyo, précisément à Tagbayo où mon père et moi vivons ici à deux dans notre campement avec notre famille. La pisciculture nous intéressait depuis longtemps, mais c’est à partir de 1995 que nous avons commencé à la pratiquer en creusant nous-mêmes des trous, avec notre expérience personnelle ; Jusqu’à ce que l’APDRA-CI vienne nous mettre sur les bonnes techniques. Et nous avons trouvé que les techniques de l’APDRA-CI sont bien.

APDRA : En quelle année avez-vous fait votre premier barrage avec l’APDRA-CI ?

Dotana et fils : Le piquetage a été fait en 1998 par Djénéba (l’aménagiste de la zone), mais c’est en 99 que nous avons fini de construire parce que nous avions eu quelques problèmes de financement. C’est qu'au début, on avait voulu le construire nous-mêmes mon père et moi. Mais étant seulement deux, les travaux traînaient et Djénéba nous a dit que c’est par les tâcherons que ce sera le plus facile. Donc elle-même est allée chercher des tâcherons à Gagnoa et nous avons discuté du prix, et nous sommes tombés d’accord sur 250 000 FCFA…

APDRA : Donc c’est en 99 que votre barrage était prêt à être empoissonné ? -Dotana et fils: Oui. - APDRA : Et vous avez déjà fait une vidange ?

Dotana et fils : Oui. Notre première vidange. C’était en février passé, après un cycle de 6 mois. Nous avons récolté au total 93,5 kg de poissons, c’est-à-dire 77 kg de TN, deux hétérotis de 6 kg chacun, plus 1 kg de zilli, 02,8 kg de silure et 800 grammes de poutou. C’était bien.

APDRA : Et qu’est-ce que vous avez fait de ces kg de poissons ?

Dotana et fils : Nous avons vendu en tout 69 kg de poissons à 500 francs le kg. Le reste a été autoconsommé ou donné en cadeau

APDRA : Pourquoi à 500 francs le kg et non à 1000 francs par exemple ?

- Dotana et fils : Nous avons vendu à 500 francs le kg parce que les Marc (Oswald) étaient passés ici une fois (ils étaient 2 Blancs ce jour-là) et ils nous avaient dit que pour bien vendre, il faut commencer par un prix assez bas, et si ça marche on peut augmenter. Aussi, il y a Nagnaniga (NDRL : c’est un autre pisciculteur de Tagbayo) qui a eu beaucoup de problèmes pour vendre ses poissons à 1000 francs le kg ; il s’est même déplacé jusqu’au village d’Ottawa (à une dizaine de km de son lieu de résidence) pour tenter la vente à 1000 francs le kilo, sans succès. En fin de compte, il a pu vendre quelques kilo à 700 francs, mais avec beaucoup de perte de poissons. C’est pour cela que nous nous sommes concertés avec les autres pisciculteurs de Tagbayo pour fixer le prix de vente du kilo à 500 francs.

APDRA : Est-ce que toi et ton père, vous êtes satisfaits du résultat de votre première vidange ?

Dotana et fils : Nous sommes satisfaits parce que tout travail commence doucement ; Et nous savons que si nous continuons de bien travailler, nous allons faire mieux.

APDRA : Avant votre vidange, espériez-vous gagner plus que ce que vous avez eu, ou bien le contraire ?

Dotana et fils : En vérité, on s’attendait à un résultat plus faible que ce qu’on a eu. Et comme ce premier résultat (qui nous satisfait d’ailleurs) est seulement le fruit de nos connaissances de début, alors nous savons maintenant que nous pouvons obtenir des résultats meilleurs dans l’avenir.

APDRA : Qu’est-ce que vous espérez exactement quand vous dites que si vous travaillez bien, vous pouvez faire mieux dans l’avenir ? Combien espérez-vous gagner dans la pisciculture à l’avenir ?

Dotana et fils : Nous espérons dans l’avenir gagner au moins le double de ce que nous avons gagné avec notre première vidange. Parce que notre premier résultat de vidange nous a encouragés : Nous avons vendu tous les 69 kilos sur place dans la même matinée sans sortir de notre campement. Et donc, nous comptons faire un deuxième barrage cette année qui sera plus gros que le premier. Cela peut donc nous aider à augmenter nos résultats.

APDRA : Puisque vous étiez à votre début, avec qui avez-vous eu à faire votre premier empoissonnement ?

Dotana et fils : C’était avec Djénéba.

APDRA : Comptez-vous toujours sur elle pour votre prochain empoissonnement, ou bien vous pensez qu’avec vos connaissances actuelles, vous pouvez vous en sortir tout seuls désormais ?

Dotana et fils : Nous comptions la solliciter pour notre prochain empoissonnement, mais comme elle est absente et qu’on ne sait pas quand est-ce qu’elle sera de retour, nous pensons qu’avec notre niveau de connaissance actuelle en pisciculture, nous pouvons tenter seuls l’expérience avec l’appui des autres camarades pisciculteurs.

APDRA : Pensez-vous avoir besoin d’elle aussi pour le suivi de vos aménagements, ou bien vous êtes assez autonome à ce niveau-là ?

Dotana et fils : Son absence nous pénalise beaucoup, car nous avons besoin de piquetage actuellement pour notre deuxième barrage. Mais elle n’est pas là. Et même, Jérémie (NDRL : un autre pisciculteur de Tagbayo) a vidé son barrage depuis janvier passé et continue d’attendre Djénéba pour réempoissonner avec elle, parce que c’est elle qui a ses fiches d’empoissonnement. D’ailleurs, elle a toutes les fiches d’empoissonnement de tous les pisciculteurs avec lesquels elle a fait les empoissonnements l’année passée (en 99).

APDRA : A quand votre prochaine vidange ?

Dotana et fils : Nous n’avons pas encore empoissonné par manque d’eau ; Mais si on empoissonne ce mois-ci (NDRL : Mars 2000), la vidange sera pour Août prochain.

APDRA : Tout à l’heure, vous disiez que vous avez actuellement besoin de piquetage et Djénéba n’est pas là ; Savez-vous que vous avez maintenant 2 aménagistes ici à votre disposition dans votre zone de Guéyo ?

Dotana et fils : Oui, on le sait. Mais nous n’avons pas encore eu à travailler avec lui. Et puis, nous, on a eu à travailler tout le temps avec Djénéba parce qu’étant avec nous ici à Tagbayo, elle nous revenait moins chère au niveau de son déplacement et de sa prise en charge. Alors que l’autre aménagiste est très éloigné de nous et va nous coûter cher de le solliciter.

APDRA : Nous sommes maintenant à la fin de notre entretien. Avez-vous un dernier mot à dire ?

Dotana et fils : Oui. Nous souhaitons que Djénéba revienne à Guéyo maintenant, car nous avons beaucoup besoin d’elle ici. Pas seulement mon père et moi, mais les autres pisciculteurs aussi.

Interview réalisée par Mama Coulibaly.


Nécrologie :

Vassiriki Koné, pisciculteur à Luénoufla a tiré sa révérence le 22 mars 2000 des suites d'une courte maladie. La rédaction de l'APDRA se joint aux pisciculteurs sympathisants pour présenter ses condoléances à sa famille et aux pisciculteurs de Luénoufla. Vassiriki laisse derrière lui un barrage ouvert et un étang de service.

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